Il était tard. Du moins trop tard pour se balader seule dans une ville hantée par de pauvres types avides de violence. Mais elle s'en fichait éperdument. Elle n'avait pas l'intention de cesser de vivre uniquement parce que trois ou quatre détraqués s'attaquaient à une fille prise au hasard parmi la quantité non négligeable de demoiselles peuplant Marbleton et Big Piney. Alors elle était sortie, sans la moindre gêne, affirmant à son père qu'elle allait chez une quelconque amie dont l'identité sortait de son imagination. Elle avait besoin de prendre l'air. De sortir un peu de chez elle. Ne serait-ce que pour ne plus avoir à s'occuper de son père, qu'elle ne souhaitait d'ailleurs pour le moment plus voir du tout.

Elle se trouvait donc quelque part aux environs de Winkelman Avenue, mais elle ne savait pas où exactement. Elle s'en fichait un peu. Cela faisait un bon moment qu'elle ne s'était pas retrouvée totalement seule. Alors elle en profitait pour oublier à peu près tout, y compris sa situation géographique. Elle ne savait pas franchement où elle allait, mais elle s'assurait de choisir un itinéraire particulièrement long afin de mettre le plus de temps à rentrer chez elle. Chez elle. C'était un bien grand mot. Elle ne trouvait plus rien de familier dans cette maison. La seule chose qu'elle appréciait encore, c'était de croiser occasionnellement le regard de ce voisin qu'elle s'obstinait à repousser sans ménagement. En y repensant, elle aimait vraiment ces petits instants impromptus, qui la sortaient de sa petite routine déprimante. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'elle s'installait sur le gazon pour lire. Au cas où…

Elle était stupide de penser à ça. Le but de sa petite escapade nocturne tout à fait désapprouvée par l'homme de la maison Kingsley était de se changer les idées, pas d'en ressasser quelques unes qui lui trottaient dans la tête depuis un petit moment déjà. Mais elle n'eut pas vraiment à se forcer à cesser de réfléchir, car un détail d'une toute autre nature vint la tourmenter. Cela faisait depuis un bon moment qu'elle avait conscience que des bruits de pas autres que les siens se répercutaient dans la rue. Elle ne s'était cependant pas inquiétée, étant consciente que la bourgade ne pouvait pas être complètement déserte. Mais elle avait beau avoir serpenté à travers les rues, tournant dans une nouvelle ruelle à chaque fois que l'occasion se présentait, elle percevait toujours, à une certaine distance d'elle, les bruits d'une démarche qui n'était pas la sienne. Peut-être était-ce dû au fait qu'elle était complètement seule en pleine nuit dans un petit village où il ne faisait plus bon vivre, ou peut-être était-ce simplement parce qu'elle n'était qu'une poule mouillée, il n'empêche qu'elle sentit une vague de panique l'envahir. Elle commença par accélérer le pas, durant près de deux minutes. Puis elle finit par se sentir idiote. Si elle avait été la prochaine victime sur la liste, elle serait très probablement déjà en train de souffrir. Mais elle était encore, jusqu'à preuve du contraire, indemne. Prenant son courage à deux mains, elle s'arrêta brusquement, et se retourna. Apparemment prise de court, la silhouette qui la suivait s'arrêta trop tard, à la lueur d'un réverbère. Alex n'en crut pas ses yeux. Elle ressentit à la fois du soulagement, mais également de la suspicion. Pourquoi Red Isaacs était-il en train de la suivre ? Elle resta comme pétrifiée durant l'espace d'un instant, avant de se ressaisir. « Tu veux bien m'expliquer ce que tu fais ici ? »

Il l'avait vu quitté la maison alors que la nuit était tombée. Comment était-ce possible? Son père ignorait-il donc le danger. Ni une ni deux, Red enfila son blouson noir et partit à pas feutré. La filature commença doucement. Il resta à une trentaine de mètres, sur le trottoir d'en face, la tête baissée. Il se sentait ridicule, mais ce besoin était viscérale. Il n’y pouvait rien. Dans son esprit, la protéger, était obligatoire. Il n’y avait pas d’autre solution. Il alluma une cigarette, tira une longuement dessus. Il faisait bon ce soir là, mais les événements récents ne pouvait vous donnez que froid dans le dos. Mais Red était assez hermétique à cette peur. Son sang froid prenait assez le dessus pour que cette violence gratuite ne l'atteigne pas. Bien sur, il y avait aussi certaines circonstances qui faisait que. Comme son frère. Harry, qui faisait parti de cette foutue bande de monstres. Le fait que ces types ne s'attaquent qu'à des filles dans quatre-vingt pour cent des cas. Il y avait eu certaines bavures. Mais très peu en comparaison avec le nombre d'agressions sur des femmes. D'ailleurs, il faisait bien de trop sombre maintenant pour rester sur le trottoir d'en face. Il traversa la rue, jeta sa cigarette, l'écrasa du bout du pied et augmenta son allure pour se rapprocher de quelques mètres. Il ne comprenait pas ce qu'elle faisait. Elle semblait marcher sans but, à l'heure où les Resistance Death attrapaient leur proie, dans la nuit noire. Cherchait-elle vraiment à se faire agresser?! Red ne comprenait pas son acte de rébellion.

Il était à présent à une vingtaine de mètres de la demoiselle, ne la quittant pas des yeux. Elle tournait, puis tournait, dès qu'une rue se présentait. Ils atterrirent sur Wikelman Avenue, au milieu à peu près de la rue. D'un coup, Aleksah accéléra sa marche, comme si elle avait peur. L'avait-elle entendu? Avait-elle vu une silhouette troublante quelque part? Si oui, où était-elle? Comment avait-elle échappée à son attention? Lui aussi accéléra le pas, se rapprochant encore un peu plus d'elle. Dix mètres seulement à présent les séparait. Il ne la lâchait pas des yeux. D'ailleurs, c'est à peine si il osait cligné. Toujours caché dans sa veste, il se dit que si quelqu'un avait pu le voir, il aurait été immédiatement suspecté d'être l'un des Resistance Death. Il en avait d'ailleurs eu la possibilité il y a un an. Un passé assez lourd, trop de rancoeur pour une même personne et une mère morte, le laissant seul à la merci d'un tyran violent. Oui, Red était le type parfait. Mais il en avait décidé autrement.

Soudain la jeune fille stoppa brusquement sa marche. Il ne s'y attendait absolument pas. Et quand elle se retourna dans sa direction, Red n'eut pas le temps de se reculer dans l'ombre. Il était maintenant découvert, le lampadaire sous lequel il se trouvait éclairant la moindre partie de son visage. Il ne sourit pas, ne rougit pas, se contentant de la fixer, un peu perdu. Elle aussi le regardait. Eberluée. Pétrifiée aussi. Mais elle se ressaisit comme par convenance et lui lança d'un ton froid. « Tu veux bien m’expliquer ce que tu fais ici? » Allez expliquer que vous la suivez pour son bien, parce que vous ne voulez pas qu’il lui arrive quoique se soit. Mais que jusqu’à présent, vous ne lui avez jamais adressé un mot. Red, tu es un idiot. Tu es un idiot. Un idiot profond, martelait son esprit. Il s’approcha de un peu plus de la demoiselle Kingsley, et dit le plus calmement du monde. « Je m’assurais que rien ne t’arrivais. » Son calme avait l’air d’apaiser Aleksah. Il le savait, ce don de ‘mentalist’ l’aidait bien.

Il sourit enfin. De manière très timide, très subjective puisque ses lèvres s’étaient à peine étirées. Il n’avait pas dévié son regard depuis le début. Elle était belle. Comme toujours. Mais il restait concentré. « Je m’en vais si je t’embête. Mais je ne pense pas que se soit une très bonne idée pour une jeune fille de traîner la nuit dans Marbleton. » Il avait débité son petit discours, lentement, clairement et posément pour qu’aucune peur ne s’installe. L’acuité mentale était la meilleure façon pour y arriver. Et il savait par avance qu’elle ne lui dirait pas de partir.

Elle avait parlé froidement. C'était plus à cause de la surprise qu'autre chose. En temps normal, elle aurait peut-être inséré plus de légèreté dans ses paroles, ainsi qu'un ou deux jurons. Mais sincèrement, elle ne s'attendait pas à le voir lui. Et elle n'avait éprouvé, en reconnaissant la silhouette, qu'un faible soulagement. Ce n'était pas parce qu'il était son voisin qu'il était blanc comme neige. Ce n'était pas nouveau, les voisins pouvaient être de vrais psychopathes. Peut-être en était-il un lui aussi. Particulièrement attirant, certes, mais là n'était pas la question. Elle l'observa avec attention, restant immobile, sans doute parce qu'elle ne savait pas comment réagir. Il n'avait même pas l'air d'être mal à l'aise, ou de culpabiliser. Comme s'il était normal de la suivre. Peut-être même était-ce une habitude. À cette pensée elle ressentit une sensation étrange, sorte de mélange entre l'effroi et quelque chose comme de la satisfaction. Mais elle se faisait des films. Comme toujours. C'était ça d'avoir une imagination débordante. Ce qu'elle n'avait pourtant pas, habituellement.

« Je m’assurais que rien ne t’arrivais. » La réponse la prit de court. Elle s'était attendue à toutes sortes d'explications plus ou moins plausibles, mais pas à ça. Il avait parlé calmement, et Aleksah se sentit comme forcée de le croire. Au moins, il n'avait pas l'intention de la découper en petits morceaux dans une ruelle. Même si elle était presque rassurée, elle n'en restait pas moins stupéfaite. Après avoir balbutié quelques paroles incompréhensibles, elle finit par s'éclaircir la gorge. « Je… Tu quoi ? » Elle avait parfaitement compris ce qu'il avait dit, mais n'était pas sûre que son cerveau avait analysé correctement l'information. Avait-il réellement quitté la douceur de son foyer pour la suivre en train d'errer sans le moindre but dans Marbleton ? Oser penser ça relevait du ridicule. Elle avait sans doute mal compris.

Elle remarqua le léger sourire qui s'afficha discrètement sur le visage du jeune homme. Elle ne savait vraiment pas comment réagir. Ce qui était rare. En général, elle suivait simplement ses impulsions, quitte à faire un choix peu judicieux, mais pour une fois, elle réfléchissait au comportement qu'il était préférable d'adopter. Il semblait dénué de mauvaises intentions. Mais franchement, la situation semblait trop irréelle pour qu'il soit aussi honnête qu'il en avait l'air. Son sourire la troublait. Son regard aussi. Elle ne parvenait même pas à décider de ce qu'elle devait faire. « Je m’en vais si je t’embête. Mais je ne pense pas que se soit une très bonne idée pour une jeune fille de traîner la nuit dans Marbleton. » Comme s'il ne savait pas déjà ce qu'elle allait répondre. C'était agaçant. Elle avait été particulièrement distante avec lui durant tout le temps où ils étaient restés chacun dans leur jardin, mais maintenant, c'était différent. Elle n'avait plus envie de manifester envers lui une animosité injustifiée. S'en aller maintenant ? Alors qu'elle venait de prendre conscience de sa complète vulnérabilité ? Quelle fine suggestion... Le fait qu'il mette en avant cette situation de faiblesse ne lui plaisait pas vraiment. Elle était du genre à s'insurger auprès de tous ces pauvres mecs qui prenaient la défense des jeunes filles sous prétexte qu'elle étaient faibles.

Elle le fixa durant un moment. Que répondre à ça ? En fait, la réponse était déjà formulée depuis un moment dans sa tête, mais elle se sentait stupide à l'idée d'avoir à dire exactement ce qu'il attendait. Le débit de ses paroles, son intonation, son regard, tout semblait s'évertuer à la déstabiliser. C'était trop facile pour lui. Et légèrement injuste pour elle. Elle avait tout simplement l'impression qu'avec son calme inébranlable il pouvait faire n'importe quoi d'elle. Ce qui était particulièrement inquiétant. « Tu ne m'embêtes pas. Tu peux rester, si ça te tente de n'avoir aucune destination. Et ce ne sont pas un ou deux pauvres paumés qui vont m'empêcher de sortir. » Elle le regarda sans dévier, le mettant au défi de s'amuser de ses dernières paroles.

Ce sens inné de gérer-une-situation-pour-que-rien-ne-dérape l'étonnait à chaque fois. Il ne comprenait pas, lui qui d'habitude était si impulsif, comment tout ça pouvait marcher. Il était conscient. Conscient de ce don appelé 'mentalisme', mais n'arrivait toujours pas à comprendre comment c'était possible. Mais en ce moment même il n'allait pas s'en plaindre puisque ça l'aidait bien en présence de Aleksah. La calme qu'il avait instauré entre eux avait quelque chose de très rassurant. Surtout pour la jeune fille. Mais elle paraissait tout de même un brin agité. « Tu ne m'embêtes pas. Tu peux rester, si ça te tente de n'avoir aucune destination. Et ce ne sont pas un ou deux pauvres paumés qui vont m'empêcher de sortir. » Elle le défia du regard, d'une manière si mignonne qu'il eut une soudaine envie de rire. Ce qu'il ne fit pas. Il se contenta simplement de sourire doucement. Il se rapprocha d'elle, de manière presque invisible et pourtant l'écart s'était rétrécit sensiblement. « Ne dis pas ça. Ces paumés comme tu les appelles, sont plus redoutables que tu ne le penses. » Il sourit à nouveau sur ces paroles. Mais il se rendit compte qu’en faisant ça, il pourrait l’effrayer. Il stoppa alors son sourire, posément, pas de manière brutale, pour ne pas lui faire peur d’avantage et ajouta « Je voulais absolument pas te faire peur. Je me suis juste dit que c’était sans doute normal que je te surveille.. étant donné que nous sommes voisins. » Ce n’était pas tellement pour ça qu’il la surveillait, mais comment lui dire? Elle qui manifestait cette animosité incompréhensible. Comment lui faire comprendre qu’elle lui plaisait? Il en était incapable. Il y avait trop de chose en jeu. Son propre coeur d’abord, la peur de la blesser d’une quelconque manière, par conséquent, son coeur à elle aussi, leur relation... Mais quel idiot faisait-il. Comment pouvait-il imaginer un instant qu’elle s’intéresserait à lui? Il n’était qu’un moins-que-rien comme cessait de lui répéter son père, avant. « Je te suis. » ajouta t-il de but en blanc.

Ils marchèrent silencieusement, le long de l’avenue. Red avait les mains dans les poches et le visage enfoncé dans son col relevé. Il n’osait ajouté un mot de plus. Une certaine timidité l’avait envahie. Un sentiment qu’il ne laisserait pas prendre le dessus. Mais il se sentait tellement stupide... Il sortit son paquet de cigarette, en proposa une à la demoiselle, en prit une pour lui et l’alluma. La nuit était fraîche pour un mois de juillet. Il tira longuement dessus, pensif. Sans vraiment y réfléchir, il l’observait, essayant de comprendre son comportement, d'analyser ses gestes. Il ne comprenait pas pourquoi elle était si froide avec lui. Qu'avait-il fait, avant, pour mériter ça? Mais même si la question se posait, il savait que ce n'était pas tellement de sa faute... Plutôt de celle de Harry, de ses antécédents ou encore du passé de la demoiselle. Il tira une dernière fois sur la cigarette puis la jeta et l'écrasa. Etant donné qu'ils étaient un peu près aussi calme l'un que l'autre il lui proposa: « Tu voudrais pas aller prendre un pot? Je t’invite... » Il avait envie qu’elle accepte, parce que, marcher comme ça, sans but, juste pour l’adrénaline, il ne comprenait pas. Il savait qu’il y avait quelque chose en dessous. Mais il aurait tout le temps de le savoir si elle acceptait son invitation.



HJ; désolé, c'est pathétique. --"

« Ne dis pas ça. Ces paumés comme tu les appelles, sont plus redoutables que tu ne le penses. » Il s'était approché. Pas énormément, certes, mais suffisamment pour qu'elle le remarque. Elle ne fit rien, cependant. Elle voulut rétorquer quelque chose, lui faire comprendre qu'elle n'avait sérieusement pas peur de ces gars-là, et que ce n'était pas juste pour se la jouer demi-portion débordante de courage, mais elle n'eut pas le temps de formuler sa réponse, car déjà, affichant un air légèrement plus sérieux, il poursuivit. « Je voulais absolument pas te faire peur. Je me suis juste dit que c’était sans doute normal que je te surveille.. étant donné que nous sommes voisins. » Normal ? Non, cela n'avait rien de normal. Est-ce qu'il suivait vraiment toutes les demoiselles du voisinage dès qu'elles mettaient le nez dehors ? Elle en doutait sérieusement, ce qui, d'ailleurs, lui procura un sentiment de satisfaction inexplicable. Son excuse était bancale. Elle aurait probablement dû le lui faire remarquer, mais elle avait décidé de lui laisser un peu de répit pour une fois. Et puis elle aurait tout le temps de lui demander d'expliciter, à condition qu'il ne se dégonfle pas et lui tienne compagnie dans son errance totale.

« Je te suis. » Cette réponse lui fit plaisir. Elle se voyait mal poursuivre sa route seule, maintenant qu'elle avait trouvé un peu de compagnie. Un silence s'installa, tandis qu'ils marchaient côte à côte dans la rue déserte. Le silence ne l'avait jamais dérangé. Elle n'ouvrait la bouche que quand elle en ressentait le besoin, se passant volontiers de tout discours dénué du moindre intérêt. Et puis ce silence lui permettait de se plonger dans ses réflexions. Sérieusement, pourquoi donc était-il sorti de chez lui à une heure avancée de la soirée, la suivant dans l'ombre ? Ses pensées vagabondèrent un peu loin, imposant à son esprit l'image d'un preux chevalier se lançant à la rescousse d'une pauvre et vulnérable demoiselle en détresse. Cette pensée stupide la fit légèrement sourire, mais elle se débarrassa rapidement à la fois de la pensée et du sourire, après avoir envisagé ce qu'impliquait ce genre de situations.

Elle l'observa, du coin de l'oeil, extirper de sa poche un paquet de cigarettes puis lui en proposer une. Elle refusa avec une délicatesse étonnante de sa part, arborant un air de petite fille sage. Ne pas fumer faisait partie des principes de base que lui avait inculqué son père. Et elle n'avait jamais cherché à bafouer ce principe. À quoi bon se pourrir la santé à petit feu quand on pouvait la ruiner en quelques minutes, hein ? Alex le regarda un petit moment tirer pensivement sur sa cigarette, puis se rendit compte que ce n'était pas très délicat, et reporta son attention sur le sol. Il y avait des tas de questions qui lui trottaient dans la tête. Quelle était la vraie raison pour laquelle il la suivait ? Pourquoi ne semblait-il pas lui en vouloir d'avoir un comportement presque abject envers lui ? Comment avait-il su qu'elle était sortie, d'abord ? Mais avant qu'elle ait eu le temps d'envisager de briser le silence, il s'en chargea. « Tu voudrais pas aller prendre un pot? Je t’invite... » Elle tourna une fois de plus la tête vers lui, levant son regard vers le sien, et acquiesça avec un léger sourire en coin. Marcher comme ça sans destination commençait à l'agacer et la fraicheur de la nuit n'était plus aussi agréable qu'au début mais elle ne voulait pas rentrer chez elle pour autant. Il avait trouvé l'alternative parfaite, qu'elle se voyait vraiment mal refuser. « Ouais, pas de souci. Merci. C'est cool. » Elle commençait à s'emmêler les pinceaux avec ses phrases complètement inappropriées, alors elle préféra se taire avant qu'il ne comprenne qu'elle n'avait absolument aucune idée de la manière dont elle était censée se comporter.

Ils se dirigèrent donc vers leur destination fraichement déterminée, avec ce silence persistant de nouveau installé. Et malgré tous les efforts qu'elle déployait pour attendre d'être au chaud bien assise avant de commencer à l'importuner, elle ne parvint à se retenir plus longtemps. « Dis, c'est vraiment parce que je suis ta voisine ? Que tu me "surveille", je veux dire. » Elle était stupide, impertinente et vraiment gênante, avec sa manie à toujours vouloir savoir la vérité. Sa curiosité était l'un des aspects les plus énervants de sa personnalité. Elle en était consciente, assumait plus ou moins, mais bon Dieu, elle voulait savoir.

HJ. Oh non, là c'est moi qui fais d'la daube

Elle venait d'accepté, sans pour autant paraître rebutée. Elle avait même l'air détendu. Etait-ce réellement possible? Possible qu'il ne lui fasse pas peur, qu'elle l'apprécie, au moins un tout petit peu? Si ce n'était pas le cas, ça avait tout du moins, l'air en bonne voie. Ils se dirigèrent donc ensemble, vers le Pub le plus proche, quelques mètres plus bas. Quasiment arrivés devant l'établissement, la jeune fille brisa le silence qui s'était de nouveau abattu sur eux. « Dis, c'est vraiment parce que je suis ta voisine ? Que tu me "surveille", je veux dire. » Quelle impertinence! Ce comportement culottée l'amusait. Il lui lança un sourire en coin et un regard séduisant, sans pour autant l'avoir vraiment cherché. Il lui ouvrit la porte sans répondre. Elle entra, il la suivit. Histoire de la distraire il lui fit une remarque. « Tu es bien curieuse dis donc. On t’as jamais dit que c’était un vilain défaut? » Il lui sourit, l’invitât à s’asseoir. Ce qu’elle fit. Un soulagement pour le jeune homme, qui ayant éludé la question, avait peur qu’elle s’en aille. Il s’assit à côté d’elle au bar et commanda. Une fois sa boisson servit il se dit qu’il n’avait rien à perdre, après tout. « Si tu me demandes ça c’est que tu as sans doute une hypothèse derrière la tête non? » Il lui sourit. Il était étrangement détendu. Il but une gorgée de sa bière et détailla le visage de la jeune femme. Elle avait cette expression mutine qui quittait rarement son visage. Ce sourire immense, parfois timide, mais tellement, communicatif. Et ses yeux. Deux grandes prunelles dans lesquelles il lisait comme dans un livre ouvert. Ce phénomène l’étonnait lui-même. Il n’était pas habitué à ça. Il dévia enfin son regard, reportant son attention sur le verre devant lui, comme si c’était la chose la plus fascinante dans le monde. Alors qu’il savait très bien que cette chose se trouvait tout simplement à sa gauche. Il respira profondément. Il devait avoir l’air ridicule. Comment devait-on faire avec une fille comme Aleksah? Il avait l'impression de ne jamais avoir dragué une fille. Ce n'était certainement pas sa première fois, et pourtant il essayait de tout garder sous contrôle, d'avoir les devants, pour que rien ne rate. Il avait peur du râteau, ce qui habituellement ne le préoccupait pas tant que ça. Il respira à nouveau profondément. Alors que faire? La jouer carte sur table? Il risquait gros mais d'un autre côté, elle n'avait pas tourné autour du pot non plus. « Non, ce n’est pas vraiment parce que tu es ma voisine... » Il but une gorgée et ajouta. « C’est sans doute un peu plus que ça. » Il baissa les yeux, gêné, ne pouvant supporter un seul de ses regards. Je suis un putain d’idiot, se martelait-il mentalement. Il but une énième gorgée de la bière devant lui, une longue gorgée. Si elle partait maintenant, il était bon pour se prendre une cuite phénoménale. Il jeta un coup d’oeil dans sa direction. Pourtant elle n’avait pas l’air d’avoir bougé. Il releva la tête. Osa enfin la regarder. Sans dire un mot, il la questionna du regard. Il était un peu perdu. Que se passait-il? A ce moment là, il aurait aimé pouvoir lire dans ses pensées.

Sérieusement, pourquoi avait-il fallu qu'elle pose cette question ? Ca devait être plus fort qu'elle… Dès que quelque chose se passait de manière à peu près agréable, il fallait qu'elle foute le bordel. Elle ne se sentait pas coupable pour autant. Elle avait juste l'impression de toujours faire les choses de travers, comme si elle aimait instaurer un malaise dans une situation a priori détendue. Enfin, détendue, pas tant que ça. Elle avait beau se donner un petit air tout à fait calme et relaxé, elle n'avait pas la moindre idée de ce qui allait se passer, maintenant qu'elle avait accepté d'aller boire un verre avec lui, et ça la rendait légèrement anxieuse. Elle craignait qu'il lui pose trop de questions gênantes, et elle comprit alors que c'était sûrement pour ça qu'elle avait foutu sa merde. Juste histoire de s'assurer que la conversation tournerait autour de lui, et seulement de lui. Elle s'était attendue à ce qu'il lui lance un regard glacial, lui faisant ainsi comprendre que oui, c'était vraiment parce qu'elle était sa voisine qu'il était sorti se geler les fesses. Mais à sa grande surprise, ce fut un sourire craquant accompagné d'un regard à tomber qu'elle se reçut en pleine figure. Elle rentra alors dans le pub, évitant soigneusement de croiser à nouveau son regard de peur de perdre toute crédibilité. Tandis qu'elle se frayait un chemin jusqu'au bar, elle entendit sa voix dans son dos, un peu moins éloignée que ce à quoi elle s'était attendue. « Tu es bien curieuse dis donc. On t’as jamais dit que c’était un vilain défaut? » Elle sourit, franchement amusée, mais ne dit rien, se doutant que de toute façon, il n'attendait même pas de réponse. Le fait que lui non plus n'ait toujours pas donné de réponse piqua davantage la curiosité de la petite brune, si tant est que cela soit encore possible.

« Si tu me demandes ça c’est que tu as sans doute une hypothèse derrière la tête non? » Cette simple question lui fit tourner la tête vers lui. Tripotant machinalement son verre - du Coca, très crédible, pas du tout puéril - Alex prit son temps avant de répondre, un sourire s'épanouissant lentement sur son visage. « À vrai dire, j'en ai plusieurs. Toutes assez farfelues. » Elle savait qu'en ce moment-même, il était en train d'inspecter minutieusement son visage, et elle ne se priva pas d'en faire autant. Aussi loin que sa mémoire remontait, elle n'avait jamais vraiment eu l'occasion de le détailler d'aussi près. Et elle se détesta lorsqu'elle fut forcée d'admettre qu'elle trouvait son regard absolument magnifique. La jeune femme préféra d'ailleurs s'en arrêter là dans son inspection, de peur de se surprendre à avoir d'autres pensées du genre. Elle se mit alors à siroter son Coca d'un air distrait, se sentant absolument stupide. La petite dure à cuire qu'elle était en train de boire un truc pour gosses ? Il y avait là de quoi casser le mythe. Tant pis, elle prétendrait que c'était simplement pour s'assurer que l'un des deux serait encore suffisamment sobre pour raccompagner l'autre. Le silence s'étirait de plus en plus, mais elle n'osait le briser, de peur de l'extirper de ses pensées, qui semblaient d'ailleurs particulièrement captivantes.

Et puis soudainement, il se mit à parler. « Non, ce n’est pas vraiment parce que tu es ma voisine... » Elle n'espérait même plus qu'il lui réponde, pour être tout à fait franche. Aussi fut-elle très surprise de l'entendre aborder à nouveau le sujet. Elle attendit poliment qu'il ait fini d'avaler une gorgée de sa bière, ayant la très nette impression que c'était sa façon de se donner du courage, ou quelque chose du genre. « C’est sans doute un peu plus que ça. » Elle s'était attendue à toutes sortes de réponses, toutes plus bancales les unes que les autres, mais pas à ça. Elle resta immobile, dans une expression figée qu'elle trouva ridicule. Elle ne savait pas exactement ce qu'elle devait comprendre par là. Enfin, si, elle en avait une vague idée, mais son cerveau semblait déterminé à éradiquer cette pensée de son esprit. Le fait qu'il évite son regard la confortait cependant dans cette idée saugrenue qui commençait à sérieusement germer dans sa tête. Sauf que non, ce n'était pas possible. Et puis il releva la tête, croisant son regard. Elle se demanda pendant un instant s'il avait eu le temps d'apercevoir cette petite lueur dans son regard, avant qu'elle se ressaisisse. Il semblait sérieusement perdu. Il avait même l'air d'un petit garçon totalement égaré, et cette vision avait quelque chose de particulièrement touchant.

Après quelques secondes passées à le fixer sans faire le moindre mouvement, elle laissa un nouveau sourire se dessiner sur ses lèvres. Décidément, elle commençait à sourire un peu trop souvent. « Un peu plus que ça… » Sortis de sa bouche, ces mots avaient l'air complètement stupides. Ils perdaient tout le sens qu'elle leur avait donné naïvement lorsque c'était lui qui les avait prononcés. « Je… Désolée Red, je ne suis pas sûre de te suivre. » En une seule phrase, il avait réussi à la faire s'égarer elle aussi. Elle ne comprenait pas comment elle avait fini par se retrouver là, assise à ce bar aux côtés de son voisin - il n'était rien de plus qu'un simple voisin, non ? Elle ne comprenait pas pourquoi elle était toujours en train de triturer nerveusement son verre, que ses paumes avaient rendu chaud. Et elle ne comprenait pas non plus comment ce regard, qu'elle découvrait vraiment pour la première fois, pouvait autant la déstabiliser.

(beaucoup de blabla pour pas grand chose -_-)